Les polypores médicinaux
Tous les mycologues connaissent les polypores, comme des champignons généralement trop ligneux pour être comestibles. Cependant, certains d’entre eux poussent à terre et possèdent une chair tendre, très agréable à cuisiner. Et la plupart d’entre eux sont médicinaux, tel le rare polypore officinal, connu dès la Grèce Antique et vanté par Dioscoride pour de nombreuses affections, pulmonaires, infectieuses ou digestives.
Les polypores semblent même avoir été employés depuis le néolithique. Effectivement, on a retrouvé sur l’homme des glaces appelé Ötzi des fragments de polypore du bouleau, d’amadouvier et de chaga.
C’est surtout le mycologue américain Paul Stamets, qui a repopularisé depuis 1998 l’usage des polypores médicinaux.
Qu’est ce qu’un polypore ?
Ce qu’on appelle communément un polypore est un champignon qui possède des pores non séparables du chapeau. Il diffère ainsi fondamentalement d’un bolet, dont les pores sont séparables facilement du chapeau.
Ces pores sont disposées sur la surface inférieure du chapeau. Généralement cette surface est blanche, pouvant se colorer au toucher ou avec le mûrissement des spores. Les pores sont le plus souvent trop petits pour être vus à l’oeil nu.
Selon les genres de polyporacées auxquels on a affaire, la chair sera ligneuse, caoutchouteuse, spongieuse ou tendre.
Les polyporacées à chair tendre sont les polypores véritables, mais comprennent des genres voisins, comme les Grifola. Ils ont généralement un pied identifié et un ou plusieurs chapeaux. Ces espèces de champignons sont généralement de bons comestibles, comme le polypore des brebis ou encore le Grifola umbellata, que les japonais appellent maitake. Ce dernier a une place de choix en mycothérapie.
Moins réputés que les morilles, les cèpes, les truffes ou les amanites des Césars, ces champignons n’ont pourtant rien à leur envier.
Les autres espèces de polyporacées appartiennent à d’autres genres, comme les Coriolus, les Fomitopsis, les Piptoporus ou encore les Ganoderma. Ces autres polypores ne sont pas comestibles, mais peuvent être très intéressants comme polypores médicinaux. Ils sont souvent référencés dans la pharmacopée chinoise ou japonaise. Etant le plus souvent ligneux, on les emploie généralement en décoction.
Notons aussi que les espèces ligneuses vivent plusieurs années. On peut même évaluer leur âge en fonction du nombre de cernes que l’on peut décompter sur le chapeau, disposé généralement en langue latérale sur le bois. Aussi, vous pouvez les trouver même en dehors de la saison des champignons. Leur récolte se fait toute l’année, sauf en période de sécheresse ou de gel important.
Passons en revue ces espèces, que l’on peut facilement cultiver et qui font souvent partie de la pharmacopée chinoise et japonaise.
Nous allons vous présenter les espèces de polypores médicinaux les plus classiques :
Le reishi, grand classique de la pharmacopée
Le reishi fait partie des polypores médicinaux les plus populaires au Japon. Mais on le trouve communément en France, aussi bien sous feuillus que sous conifères. Sa saveur amère rappelle ses propriétés stimulantes du foie, ce qui est attesté par de nombreuses études scientifiques, comme celle-ci, qui date de 2023. Mais c’est aussi un puissant antiviral et un remarquable immunostimulant.
A noter que cette espèce officinale est parfois utilisée en mélange dans des spécialités de chocolats ou de cafés, comme le café des Guerriers. Ces produits seront de bons stimulants hépatiques.
Le chaga, un super anti oxydant
Le chaga (Inonotus obliquus) est une espèce fréquente en Sibérie et dans le grand nord Canadien. En France, il est très rare. On le signale dans le Jura et le Puy de Dôme. Ce que vous voyez ci-contre est en fait le mycélium du champignon, qui produit une excroissance dans le bois des bouleaux qu’il parasite.
Ce champignon est le plus puissant antioxydant connu. Il stimule le système immunitaire. Il renforce aussi la paroi intestinale. Il contient des molécules issus du bois du bouleau, comme la bétuline, l’acide bétulinique et l’acide salicylique. On le trouve souvent sous forme de compléments alimentaires, comme chez la marque Athanor.
Le maitake, comestible et médicinal
Les japonais appellent cette espèce le champignon qui danse. C’est un excellent comestible, que l’on peut trouver en France sous les feuillus, notamment les chênes, dont il parasite les radicelles. Certains spécimens de ce champignon peu commun peuvent parfois peser jusqu’à 10 kilo. Vous pouvez le cuisiner au beurre à la poêle, en tartes ou bien évidemment en omelette. Il peut faire honneur à la gastronomie autant que la morille, l’oronge, la truffe, la girolle, la trompette-des-morts ou le cèpe de Bordeaux.
On emploie aussi ce champignon comestible sous forme de compléments alimentaires pour stimuler l’immunité à l’approche de l’hiver. Ce champignon possède aussi de nombreuses autres propriétés médicinales, comme régulateur de la glycémie, du taux de cholestérol, du tonus nerveux, etc.
Le polypore soufré, comestible au goût de poulet
Ce champignon (Laetiporus sulfureus) est l’un des polypores médicinaux les plus étonnants avec sa saveur qui rappelle le blanc de poulet. Il possède de magnifiques couleurs jaune soufre et orange feu. On le rencontrera dans tout type de forêts.
On y a isolé une substance, la laetiporine, qui est un désinfectant intestinal, efficace semble-t-il y compris sur des mycoses. Ainsi, ce champignon facilite aussi la digestion.
Le polypore du bouleau, un médicinal commun
Le polypore du bouleau, comme son nom l’indique, est un champignon qui croit sur des bouleaux, qu’il parasite. Il est trop caoutchouteux pour être consommé comme champignon comestible. Mais vous pouvez le cueillir pour en faire des décoctions et d’en utiliser ses propriétés digestives, anti parasitaires, anti mycosique et anti infectieuses digestives. Comme il est très commun dans les bois de bouleaux, vous pouvez rapidement en ramasser de bonnes quantités.
Comment utiliser les polypores pour sa santé ?
Tout d’abord, précisons qu’à l’image des plantes médicinales, les polypores médicinaux ne remplacent pas les médicaments.
Ensuite, sachez que les polypores médicinaux ne sont pas du tout dangereux à employer. En effet, ils ne présentent aucune toxicité. Certains d’entre eux sont d’ailleurs proposés comme compléments alimentaires, comme le chaga, le reishi ou le maitake.
De plus, il n’y a aucun risque de confusion avec les champignons mortels ou vénéneux comme l’amanite phalloïde, par exemple. Les cueillettes de polypores sont sans risque véritable.
Cependant, si vous voulez préparer vous même des décoctions à base de ces champignons sauvages, il faut bien connaître les différentes espèces. Si les confusions entre les sortes de polyporacées ne sont pas dangereuses, vous risquez tout de même de ne pas prendre le traitement que vous croyez si vous vous trompez de polypore. Il est alors préférable de consommer les préparations du commerce, pour assurer une plus grande efficacité. Ou alors munissez vous de bons guides des champignons et participez à des sorties mycologiques.
Par ailleurs, il est préférable de consommer ces champignons en décoction plutôt que crus ou simplement séchés. Effectivement, on rapporte des cas d’intolérances au maitake (Grifola umbellata) lorsqu’il est cru ou séché. Cela se manifeste tout de même par des éruptions de boutons géants, de plaques rouges, d’érythèmes irritants.
Par ailleurs, pour préparer de telles décoctions, il faut couper ces champignons en lamelles. Une fois séchées, ces lamelles seront alors bouillies en décoction, pour en extraire les principes actifs. Vous pourrez alors boire cette décoction, généralement le matin à jeun.